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par Paola Musarra




3. L'indifférent

Philip Kolb, dans sa Préface à L'indifférent, attire notre attention sur le rôle important que Proust, à l'âge de vingt-deux ans, attribuait aux fleurs, et - surprise - sur sa première crise d'asthme, décrite dans la nouvelle.

Voici comment le jeune auteur nous présente la protagoniste (les cattleyas font leur première apparition...):

Proust a 13 anni

"Sans un bijou, son corsage de tulle jaune couvert de catléias [sic], à sa chevelure noire aussi elle avait attaché quelques catléias qui suspendaient à cette tour d'ombre de pâles guirlandes de lumière." (p. 39)

Un matin, Madeleine, seule et désespérée (l'homme qu'elle aime se montre indifférent) est assise dans le jardin des Tuileries. Tout à coup elle aperçoit le gros caniche blanc de Lepré (l'indifférent):

"Saisissant l'animal dans ses bras, secouée de sanglots, elle l'embrassa longtemps, de toutes ses forces, puis défaisant le bouquet de violettes qu'elle portait à son corsage et l'ayant attaché à son collier, elle le laissa partir." (p. 57)

Ici, la valeur symbolique du bouquet de violettes (un "pont", un arc voltaïque entre le corps de la jeune femme et celui de Lepré) ne s'est pas encore enrichie des raffinements psychologiques de la Recherche.

Et pourtant, lorsque Madeleine associe à sa tristesse les fleurs fanées de son corsage, nous savourons déjà, dans le rythme alangui de la phrase, le goût déjà mûr du style proustien:

"Désolée, elle baissa la tête, et ses regards tombèrent sur ceux plus languissants encore des fleurs fanées de son corsage, qui sous leurs paupières flétries semblaient prêtes à pleurer."(pp. 46-47)

Mais le moment le plus saisissant de la nouvelle est celui où Madeleine apprend que Lepré va partir pour un long voyage à l'étranger:

"au moment où Madeleine apprenait ce départ de Lepré auquel elle n'avait pas songé, elle comprenait seulement, en sentant tout ce qui s'arrachait d'elle, ce qui y était entré." (p. 43)

Et ce qui entre, ce qui s'arrache, c'est l'amour - et c'est l'air, le souffle vital, qu'on n'apprécie que lorsque un accident risque de nous étouffer.

"Un enfant qui depuis sa naissance respire sans y avoir jamais pris garde, ne sait pas combien l'air qui gonfle si doucement sa poitrine qu'il ne le remarque même pas, est essentiel à sa vie. Vient-il, pendant un accès de fièvre, dans une convulsion, à étouffer? Dans l'effort désespéré de son être, c'est presque pour sa vie, qu'il lutte, c'est pour sa tranquillité perdue qu'il ne retrouvera qu'avec l'air duquel il ne la savait pas inséparable." (pp. 42-43)

Selon Kolb, Proust nous fournit un document unique sur la première crise d'asthme qui l'avait atteint à l'âge de neuf ans, quand il nous décrit

"le pauvre malade suffocant qui, au travers de ses yeux pleins de larmes, sourit aux personnes qui le plaignent sans pouvoir l'aider." (pp. 43-44)

Cette évocation douloureuse et délicate du petit Marcel semble boucler la boucle de mon parcours. Je vous l'offre - irrémédiable déchirure - en guise de conclusion.

dimanche 23 janvier 2000, 3 h 06 du matin




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1998


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